Le décret
du 31 mai 1872 - DÉCRET
PORTANT RÈGLEMENT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE SUR LE RÉGIME DE POLICE ET
DE SURVEILLANCE DES DÉPORTÉS DANS UNE ENCEINTE FORTIFIÉE
Le président de
la République française : Sur le rapport du Garde des Sceaux, ministre
de la Justice et du ministre de la Marine et des Colonies;
Vu la loi du 13
mars 1872 promulguée le 2 avril suivant, et notamment l'article 4 ainsi
conçu :
" Les condamnés
à la déportation dans une enceinte fortifiée jouiront, dans la presqu'île
Ducos, de toute la liberté compatible avec la nécessité d'assurer la garde
de leur personne et le maintien de l'ordre.
" Ils seront soumis
à un régime de police et de surveillance déterminé par un règlement d'administration
publique, qui sera rendu dans un délai de deux mois à partir de la promulgation
de la présente loi.
" Ce règlement
fixera les conditions sous lesquelles les déportés seront autorisés à
circuler dans tout ou partie de la presqu'île, suivant leur nombre; à
s'y occuper de travaux de culture, ou d'industrie, et à y former des établissements
provisoires par groupe ou par famille.
" La commission
provisoire chargée de remplacer le Conseil d'État, entendue, décrète :
" ART. 1er - Les
condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée habitent, dans
l'étendue de l'enceinte, le lieu qui leur est assigné par le commandant
de l'établissement.
" Le gouverneur accorde, autant que possible, aux condamnés, l'autorisation
d'avoir des habitations séparées. Il détermine les conditions d'habitation
des familles admises dans l'intérieur de l'enceinte.
" ART. 2. - L'État
pourvoit à l'entretien des condamnés qui ne peuvent subvenir à cette dépense,
soit par les ressources laissées à leur disposition, soit par le produit
de leur travail.
" La nourriture est celle du soldat aux colonies, sauf la ration de vin,
qui n'est accordée qu'en échange d'un travail déterminé.
" Le vêtement donné par l'État se compose de : une vareuse et un pantalon
en drap d'une couleur différente de ceux affectés aux condamnés transportés
en exécution de la loi du 30 mai 1854; deux pantalons de toile, deux vareuses
de toile, une casquette, un chapeau de paille, trois chemises de coton,
une ceinture de flanelle, quatre mouchoirs de poche, deux paires de souliers,
une cravate de laine.
" Le coucher consiste en un hamac de matelot ou une couchette en fer ou
en bois, un matelas, une couverture et une paire de draps.
" ART. 3. - Les
condamnés seront assujettis aux règlements d'ordre et de police en vigueur
dans les établissements militaires.
" ART. 4. - Le
gouverneur détermine les règles concernant les rapports des condamnés
avec le personnel libre habitant l'enceinte fortifiée et leurs communications
avec les personnes du dehors.
" Il peut s'il le juge nécessaire au maintien de la sécurité interdire
ou suspendre ces communications, à la condition d'en rendre compte au
ministre de la Marine.
" Le gouverneur peut interdire l'introduction dans le lieu de déportation,
des publications qu'il juge dangereuses.
" ART. 5. - Le
gouverneur peut accorder, dans le périmètre de l'enceinte, des concessions
provisoires de terre aux condamnés qui prendront rengagement de les mettre
en culture. Les concessions peuvent être faites, soit individuellement,
aux condamnés, soit à des groupes de condamnés.
" Le gouverneur pourra retirer les concessions, pour défaut de culture
ou pour toute autre cause grave, à conditions d'en rendre compte au ministre
de la marine. Il pourra pour les mêmes motifs, exclure les individus du
groupe auquel ils appartiennent.
" ART. 6. - Les
condamnés autorisés à cultiver des terrains, doivent comme tous les autres,
être présents aux appels et rentrer à l'heure fixée dans la partie de
l'enceinte affectée à leur logement.
" ART. 7. - L'administration
peut autoriser les condamnés, qui en font la demande, à se livrer à des
travaux industriels se rapportant aux professions exercées dans la colonie
ou à celles dont les produits peuvent être utilisés dans l'établissement
Le travail sera rétribué d'après un tarif arrêté par le gouverneur.
" ART. 8. - Toute
réclamation faite par des condamnés sera individuelle et rédigée par écrit
Les réclamations destinées au ministre de la Marine seront remises au
gouverneur, qui les transmettra dans le plus bref délai.
" ART. 9. - Les
règlements sur la discipline intérieure de l'établissement sont faits
par le gouverneur, sous l'approbation des ministres de la Justice et de
la Marine. Ils sont provisoirement exécutoires.
" ART. 10. - En
cas d'infraction aux règlements d'ordre et de police prévus par les précédents
articles, il est fait application aux déportés des dispositions de l'article
369 du code de Justice militaire pour l'armée de mer, rendu applicable
aux colonies par le décret du 21 juin 1858.
"ART. 11. - Le
Garde des Sceaux, ministre de la justice et le ministre de la Marine et
des Colonies sont chargés, chacun en ce qui les concerne, de l'exécution
du présent décret, qui sera inséré au bulletin des lois.
"Fait à Versailles,
31 mai 1872."
Source : extrait de : Joannes Caton, Journal
d'un déporté 1871-1879 ...
de la Commune à l'Ile des Pins, éditions France-Empire,
1986.
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