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Joannes CATON Le séjour
sur l'île des Pins |
mise à jour : 31.12.2015 |
Plan de Situation de l'Ile des Pins. Crédit photo : Bureau Tourisme Province Sud. |
Le
séjour sur l'île des Pins ... 1 - En route vers l'île des Pins (15 - 16 avril 1877) 2 - Arrivée et installation (16 - 18 avril 1877) 3 - 2.238éme jour de détention politique ! ... 4 - Rencontre avec ... un autre stéphanois (juillet 1877) 5 - Nouveau propriétaire ... (23 juillet 1877) 6 - Directeur d'école ... (11 mars 1878 - 7 février 1879) 7 - Le chemin de liberté ... (5 mars 1879 - 10 mai 1879) |
Le voyage de Nouméa vers l'Ile des Pins. Crédit photo : Bureau Tourisme Province Sud. |
Le séjour sur
l'île des Pins ... 1 - En route vers l'île des Pins (15 - 16 avril 1877) 15 avril
1877 Cest
dimanche. Me voilà en route pour lIle des Pins. Du
bateau qui nous a amenés de la Presquîle Ducos,
nous embarquons directement sur la Vire ;
transport de lEtat, qui nous attend prêt à
partir, tout couvert dune fumée que le vent rabat
sur le pont. Nous ne verrons pas Nouméa, sauf ce
quon peut en apercevoir de la rade, et je le
regrette ; jaurais aimé séjourner, ne fut-ce
quune demi-journée, afin de me rendre un peu
compte de son aspect intérieur, car, ce que jen ai
vu lors de ma première évasion est à peu près
insignifiant. (
) Dans lentrepont où nous établissons notre campement,
sept forçats et neuf canaques sont déjà installés, les uns étendus, les
autres assis, tous côte à côte ; ils ont les fers aux pieds et nous
regardent avec des yeux pleins de haine, jaloux sans doute de notre liberté.
Je mempresse de fuir ce tableau qui moppresse et de remonter
sur le pont, quon nous laisse libre. A dix heures, on lève lancre
et nous voilà en route pour la baie du Sud où nous devons passer la nuit.
Il fait un temps superbe, clair, qui permet de voir toute la côte très
distinctement. Pendant une heure, elle noffre rien de différent
de ce que nous connaissons, cest toujours des montagnes jaunies
et de la brousse triste et desséchée ; derrière nous le mont Kaghi
sabaisse et fini par se confondre avec lhorizon. Dans laprès-midi, nous entrons dans le canal Wooden,
étroite coulée de mer entre lextrémité sud de la Grande-Terre et
lîle Ouen. Là le tableau change tout-à-coup. A notre gauche, la
Nouvelle-Calédonie se couvre de forêts, dabord clairsemées, puis
touffues noires et profondes. Sur les bords se détachent les fameux pins
que je navais jamais vus encore ; ils poussent élancés et droits
comme des fûts de colonne. On ne rencontre ces pins que dans ces parages
océaniens, et à Saint-Etienne, paraît-il, ensevelis dans les terrains
houillers. Leur aspect est si différent des autres arbres quil étonne
au premier abord et fait douter que lon soit en présence dun
végétal. La raison en est que leurs branches sécartent à peine du
tronc et poussent à peu près dégale longueur au sommet comme à la
base. De loin ils ressemblent à des arbres dont le feu aurait dévoré les
branches et dont il ne resterait plus que le tronc, la teinte très noire
de leur feuillage ne fait quajouter à cette illusion. Derrière
eux, dans le lointain, commencent à apparaître les
gigantesques kaoris qui sont abondants dans cette
région. A notre droite, de lautre côté du
détroit, lIle Ouen se détache comme une masse
rougeâtre, sèche, aride, noffrant à
lil, à part une poignée de cocotiers dans
une petite anse, quune végétation maigre et
triste. (
) Il est
quatre heures lorsque nous arrivons à la baie du Sud,
dans la rade du Prony, près dun établissement en
planches qui apparaît être une scierie, construit sur
le bord dune rivière qui se jette là dans la mer.
La baie du Sud noffre de toutes parts quun
mélange bizarre de montagnes enchevêtrées,
tourmentées, aux croupes ferrugineuses et arides, amis
ayant sur leur flancs et dans les gorges étroites qui
les séparent une végétation luxuriante formée de
mille essences différentes. Un ex-capitaine
dartillerie, nommé Sebert, sétait, me
dit-on, établi là il y a une dizaine dannées et
avait entrepris lexploitation de ces belles
forêts ; il y est mort et se trouve actuellement
remplacé par un garde dartillerie, lequel, aidé
de quelques forçats dun pénitencier placé non
loin de là, essaie de tirer parti pour
ladministration de ces richesses forestières. (
) 16 avril
1877 A 8 heures du matin on repart, et la navigation, une navigation
pénible, lente, pleine de précautions et dhésitations, commence
à travers un dédale de récifs. Quoique lIle des Pins ne soit quà
quelques lieues de la baie du Sud, ce nest quaprès huit heures
de course que nous y parviendrons non sans avoir couru de réels dangers.
Un moment deffroi sest emparé de tous, même de léquipage,
la Vire avait heurté un fond de corail et la secousse avait ébranlé
tout le navire, arrêtant presque brusquement sa marche. (
) A trois heures nous approchons de lIle des Pins, nous
lapercevons comme un plateau de couleur rougeâtre, avec, au bas,
de magnifiques plages blanches bordant une vaste bande de forêt sombre.
Dinnombrables cocotiers agitent leurs gigantesques panaches sur
le sable blanc du rivage, mêlés à des pandanus, à des cicas, des fougères
finement découpées, et des pins colonnaires se dressent comme de gigantesques
I au milieu de
cette végétation toute tropicale. (
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l'Ile des Pins. Crédit photo : Nouvelle-Calédonie, edit. Solaris, BP4931, Nouméa. |
l'Ile des Pins, carte de la déportation. Crédit photo : R. Joannot, publiée in Journal d'un déporté .... la carte en plus grand format (326 ko) |
Le séjour sur
l'île des Pins ... 2 - Arrivée et installation (16 - 18 avril 1877) 16 avril 1877 (
) A notre
arrivée à la baie dUro, nous descendons dans un
canot avec nos bagages et les forçats canaques et
bientôt mettons pied à terre. On nous désigne du doigt
le chemin qui mène à la 1re Commune et
lon nous y abandonne au hasard sans soccuper
davantage de nous. (
) Il fait nuit lorsque nous débouchons du milieu des bois dans
la 1re Commune dUro ; je ne reconnais personne dans
les quelques déportés qui se trouvent là et qui ignoraient notre arrivée.
On séparpille et je me fais conduire chez Gros dont la case nest
pas éloignées et qui fut un des amis de mon ami Sermet. Jy suis
reçu à bras ouvert et lon my offre lhospitalité jusquà
mon départ pour la 4e pour laquelle je suis désigné. Cette
dernière est juste la Commune quhabite Tabary
cest une
chance inouïe que je tombe si à point ! (
) Comme la Presquîle Ducos, la 1re Commune de
lIle des Pins est un composé de cases de bois, de paille et de boue
et de concessions soigneusement encadrées de barrières. Mais le tout est
plus vaste, plus éparpillé et la forêt, très étendue est toute proche.
Sur une élévation adossée au plateau ferrugineux qui forme tout lintérieur
de lîle, sont bâties des constructions qui servent dhôpital
et de sémaphore. En bas un vaste emplacement rectangulaire est encadré
par les services administratifs et les logements des gardiens. La route,
large en cet endroit, bifurque pour conduire à droite à un quartier dit :
de la Pirogue et au cimetière un peu plus éloigné, la 6e
Commune, comme il est appelé ici. (
) 18 avril
1877 Me voici
en route pour la 4e à 12 kilomètres de la
première. (
) jai préféré suivre la route
plus large qui traverse les Communes. Dans toute sa
longueur cette route est partout semblable, bordée à
gauche par la forêt toujours à proximité avec quelques
éclaircies sur la mer et aux approches des Communes par
des cases et des concessions cultivées ; à droite
par des terrains rougeâtres où seuls, croissent des
herbes sèches et quelques arbrisseaux aux branchages et
aux feuillages dune dureté de fer. (
) Jarrive
enfin vers midi à la 4e Commune et débouche
sur une légère hauteur où se rassemblent quatre ou
cinq baraquements. Dans les uns saperçoivent des
surveillants avec leurs femmes étendant du linge aux
fenêtres, dans un autre, je reconnais des déportés
distribuant des vivres à leurs compagnons. Cest
là que je vais madresser et minforme de la
concession Tabary. (
) Cette
magnifique baie, appelée Ouamoeu est connue des
déportés sous le nom de Grande-Plage, à cause
de son étendue ; elle se trouve seulement à 200
mètres de la paillote de mon camarade et je compte bien
my rendre tous les jours autant pour y prendre mes
bains affectionnés que pour en étudier les rivages. (
) Lîle
des Pins est partagée en trois parties biens distinctes.
Lune, la meilleure naturellement, à lest et
au sud, appartient aux missionnaires et à des tribus qui
leur sont soumises ; lautre, la bande étroite
de louest, toute en rochers ou en forêts est celle
qui est réservées aux 3.500 déportés, seule la partie
nord, et demeurée aux mains de ses légitimes
propriétaires, les indigènes, qui y vivent très
paisiblement. Le total des naturels est, assure-t-on, à
lîle des Pins, denviron 800. (
)
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l'Ile des Pins, la baie de Ouaméo. Crédit photo : B. Rivatton - 09/2000. |
Le séjour sur l'île des Pins ... 3 - 2.238éme jour de détention politique ! ...
jai laissé passer deux mois sans toucher à mon
cahier de notes. Pourquoi ? Je ne saurais le dire ; le changement
qui sest produit dans mon existence par suite de mon transfert de
la presquîle Ducos ici avait créé en moi un état dâme tout
différent des précédents et qui a duré jusquà ce jour. (
) Oh ! ma jeunesse ! ma jeunesse ! Est-il possible
que les ans coulent ainsi ? et que jai déjà vingt-huit ans ! Oui !
cest bien ainsi ! A lheure où
jécris ces lignes, il y a six ans et quarante-cinq
jours que je suis, non un homme, mais un chiffre, un
zéro dans la masse des victimes jetées sur ce rivage.
Je fais un effort dimagination pour y croire et je
récapitule mon passé comme si cétait celui
dun autre sans parvenir à me persuader que
cest bien le mien et quil sagit bien de
moi-même. Voyons et que je ne me trompe pas :
(
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Le séjour sur
l'île des Pins ... 4 - Rencontre avec ... un autre stéphanois (juillet 1877) (
) Jai
vu, il y a une dizaine de jours à la 1ère
commune, au marché de Kuto où les troupes
dinfanterie de marine viennent acheter les légumes
de leur ordinaire à des déportés improvisés
maraîchers, un jeune soldat de linfanterie de
marine qui désirait beaucoup que je lallasse voir
et me lavait fait dire. Cétait un voisin de
mes parents, je lavais quitté alors quil
était tout jeune, à peine âgé de quinze ans, aussi
ai-je eu grand peine à le reconnaître. Dans la
demi-heure que jai pu passer à causer avec lui,
jai vu défiler devant mes yeux tous mes amis
denfance, tous les compagnons de ma jeunesse,
filles et garçons, et aux changements survenus à la
fois dans leur situations et dans celles de leurs
familles, dans laspect même du vieux quartier,
jai senti avec un long serrement de cur, que
ces six dernières années nont pas été, comme je
le crois parfois invinciblement une vaine abstraction de
chiffres et de temps, et que, pour mon pays comme pour
moi, le temps écoulé a eu soin de marquer son passage
par une suite de ruines et de malheurs. Jai
quitté ce jeune homme la mort dans lâme, heureux
de lavoir vu, mais bouleversé de tout ce que
javais appris et de lexistence perdue
évoquée tout à coup devant moi. (
) Une
trentaine denfants de Saint-Etienne ou de ses
environs font partie de la compagnie à laquelle
appartient Ducas, jaurais ma-t-il dit,
occasion den voir quelques-uns, car ils se
remplacent dans les postes de six en six mois. (
) Japprends
aujourdhui mon numéro de déporté, jai le
3.098. La 3e
Communes, qui précède immédiatement celle où je suis,
se trouve dépourvue au point de vue des plages, car elle
na que celle de la baie puante, mais en revanche
elle possède une des curiosités naturelles les plus
rares, unique dailleurs à lîle des Pins. Cest
une grotte vaste et profonde, type parfait de celles
décrites dans les livres dhistoire naturelle,
cest-à-dire ayant des stalactites et des
stalagmites et cela en quantité considérable.(
)
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Le séjour sur
l'île des Pins ... 5 - Nouveau propriétaire ... (23 juillet 1877) 23 juillet
1877 « Je
soussigné, cède en toute propriété au déporté Caton
Joannès la concession et la case que jy ai
construite, située sur le territoire de la 4e
Commune, lieu du Grand-Pin. Ile des
Pins ce 20 juillet 1877 Signé :
Corbière » Cest
en ces termes écrits sur un quart de feuille de papier
libre, sans notaire, sans autres formalités, que je suis
subitement devenu propriétaire dun immeuble et
dun terrain dans la 4e commune. Le temps
à mon vendeur denlever son mobilier qui a
tout tenu dans un sac, dempocher les trois
francs cinquante du prix convenu de la vente et
jai pris de suite possession de mon bien ! Mon
avoir consiste en une case de même construction et
toiture que toutes celles de lîle des Pins,
cest-à-dire faite de torchis, bois et
paille : les murs en sont épais de façon à ne pas
laisser pénétrer la chaleur, et lair sy
renouvelle constamment grâce à la porte et à
deux petites fenêtres placées sur les côtés. Une
véranda formée par une avancée du toit achève de
donner de la fraîcheur à lintérieur et me permet
de faire la cuisine au-dehors, même par les temps de
pluie. Elle est tournée au nord et regarde la 5e
commune. Le nom
de Grand-Pin, donné à cet endroit, provient
dun de ces singuliers arbres, lequel se dresse
absolument isolé et à une très grande hauteur comme
une colonne noire, sur une petite esplanade débarrassée
de broussailles et voisine de la concession Ferlat,
cest le seul que lon aperçoive sur toute
cette partie de la côte et il domine de plus de dix
mètres les plus grands des autres arbres de la forêt.
Une carte de 1875 permet de situer avec précision le lieu-dit du Grand Pin : pratiquement au centre de la baie de Ouaméo. (carte : Nouvelle Calédonie et dépendances - services topographiques - tableau d'assemblage de la partie occidentale de l'île des Pins comprenant le territoire militaire et les Cinq Communes affectées à la Déportation simple. Levé sur le terrain d'avril à octobre 1875 par M. Caujolle,géomètre. Echelle de 1m/20.000 m. (Bibliothèque nationale), publiée in Communards en Nouvelle-Calédonie, histoire de la déportation par Jean Baronnet et Jean Chalou, Mercure de France, Paris, 1987, 431 p.). Vue aérienne de la Baie de Ouaméo, avec l'emplacement du lieu-dit Au Grand Pin, avec maps.google. Voir l'emplacement + carte ancienne, avec GOGLE EARTH : Télécharger le fichier KMZ |
Le séjour sur
l'île des Pins ... 6 - Directeur d'école ... (11 mars 1878 - 7 février 1879) 11 mars 1878 Une
décision du commandant territorial, affichée au rapport
de ce jour, me nomme à lemploi de directeur de
lécole de la 4e commune en remplacement
de Peyrusset partant ce jour pour Nouméa. Peyrusset
me fait la remise de matériel en présence du chef
Tridant et je minstalle au bâtiment scolaire. Je
cuisinerai avec le déporté Marchal, le pharmacien, dont
le laboratoire occupe la partie nord du même
bâtiment ; par suite, ma cuisine, une petite
construction en briques au dehors de lécole me
servira décurie pour ma chèvre qui est toujours
extrêmement familière et douce. Je me
débarrasse de mes volailles et je vends ma maison et ma
concession pour cinquante centimes. Me
voilà donc installé à lécole, au milieu même
du camp. Le bâtiment est divisé en trois
compartiments : le 1er au sud prend la
moitié de toute la construction : cest la
salle décole, lautre moitié divisée en
deux, sert de logement pour le directeur, cest la
partie centrale, lautre sert de laboratoire. Je
suis au large, très au large et mon mobilier
disparaît, presque invisible, dans cette étendue ! Ce
changement me remplit de joie, il constitue pour moi une
amélioration considérable tant au point de vue
matériel quau point de vue moral. Octobre
1878 Un certain nombre de déportés de la 1re ont pris
linitiative de fonder un théâtre. Dans une clairière pratiquée
en pleine forêt, ils ont construit une scène et établit des gradins ;
la salle a pour plafond le
ciel et les branches surplombantes
des arbres, pour limites, une corde faisant le tour des gradins et de
la scène. (
) 7
février 1879 Je sors
guéri de lhôpital dUro, où je viens de
passer six semaines, malade de la fièvre typhoïde. (
)
Pendant cette période Caton participe à la rédaction du journal Le Parisien Illustré. (5/10/1878 - 28/11/1878). |
Le séjour sur
l'île des Pins ... 7 - Le chemin de liberté ... (5 mars 1879 - 10 mai 1879) 5 mars 1879 Le
courrier de ce mois vient de nous apporter une bonne
nouvelle. Enfin ! le soudard qui présidait aux
destinées de la France, linstrument des haines et
des vengeances réactionnaires jamais assouvies, est
culbuté du pouvoir. Lannonce qui nous est faite en
même temps de la nomination de Jules Grévy à sa place
a rempli la déportation de joie et despérance.
Une immense satisfaction parcourt les douze kilomètres
le long desquels séchelonnent les cinq communes. (
) 21 avril
1879 Je suis
gracié de ma peine de la déportation
Les grâces
que le changement de direction dans le gouvernement de la
République avait fait prévoir sont arrivées :
1.700 déportés de lune et lautre catégorie
sont pardonnés ainsi que moi. (
) A 5
heures du soir le surveillant-chef est appelé à la
Presquîle Kuto ; comme il passe sur la route,
de lécole, je lui demande sil sait du
nouveau. - Rien,
me dit-il, sinon quon mappelle au gouvernement. Vers 9
heures, le chef nest pas revenu ; on est sans
nouvelles, on appréhende de nouvelles
désillusions
(
) A 10
heures et demie, je suis brusquement réveillé par de
violents coups de poing donnés dans mon sabord du côté
de la route. Qui est là ? ai-je crié dun ton
bourru, désolé dêtre tiré de mon sommeil et ne
songeant plus aux grâces. -
Cest moi ; M. Caton, ne vous fâchez pas,
jai une nouvelle à vous apprendre. Je
reconnais la voix du chef de camp Tridant et je vais
ouvrir ma fenêtre sans me vêtir encore. - Les
grâces sont-elles arrivées, demandai-je avec
vivacité ? - Oui, il y en a 1.100 pour lîle-des-Pins et vous avez
la chance den être, je suis heureux de vous lapprendre ;
par exemple vous êtes des derniers, lavant-dernier même de la liste,
mais cela doit tenir à ce que vous êtes des condamnés de la province et
à ce que lon a commencé par les dossiers de Paris, car vous navez
aucune mauvaise note au vôtre ; cest votre compatriote Thibeaudier
qui vient ensuite. (
) 22 avril
1879 Comme le
chef de camp me lavait annoncé, le Commandant a
parcouru à cheval les cinq Communes, sarrêtant
juste le temps de donner la lecture de la liste
concernant chaque groupe et de juger lémotion
produite. (
) 10 mai
1879 Jai
reçu une autorisation de partir pour lAustralie,
je membarque demain dimanche sur la Vire qui
va me reconduire à Nouméa où je dois prendre passage
sur le City of Melbourne, se rendant à Sydney. Jai préféré partir plutôt que dattendre encore
ici cinq longs mois, le temps nécessaire pour que des navires viennent
de France nous chercher et nous rapatrier. Et puis
qui mappelle
en France à présent que toute ma famille est morte ? Je veux tenter
de vivre à létranger
et qui sait, peut-être y finirai-je mon
reste dexistence ? (
) Je suis
prêt
jai rendu ma chèvre au chef de camp et
jai fait mes adieux à tous mes amis. Je
minterroge pour savoir si je regrette quelques
chose de ce que je vais laisser à lIle des Pins et
je sens que, malgré tout, je regrette et regretterai
toujours ses bords charmants que je reverrai toujours
baignés de lumière et animés du souffle de la brise
dans les panaches de ses palmiers !
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Evangélisation ... exploration et découverte du nickel ... déportation Des Foréziens sous les tropiques ... en Nouvelle-Calédonie au XIXe siècle. Les Maristes ... Jules Garnier ... Joannès Caton 80 pages, ill., |
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